La crise sanitaire et planétaire que nous traversons rappelle à quel point l’eau nous est vitale. Sur le territoire français comme à l’étranger, les associations de solidarité se sont mobilisées afin de garantir un accès à l’eau pour toutes les populations et ainsi endiguer le risque de propagation du COVID-19. À l’international, des campagnes d’ONG comme la « End Water Poverty » sont initiées afin de traiter la crise de l’eau comme une urgence sanitaire mondiale. Consciente de ce continuum entre la santé et l’accès à l’eau, l’association Peuples et Montagnes du Mékong complète aussi ses formations médicales par des chantiers d’adduction d’eau.
À l’heure où la COVID-19 souligne notre dépendance à l’eau, nos ressources se tarissent. À la sortie de l’été 2020, le bilan des températures et des aléas naturels confirment les craintes. Courrier International publiait son hebdomadaire au titre alarmant « Bientôt un monde sans eau ? » à la rentrée 2019. Un an après, ils reviennent en éditant « l’Atlas de l’eau ». Déclinables à l’infini, les enjeux hydriques sont exposés succinctement dans ce numéro en commençant par l’état de nos ressources, les menaces imminentes, les tensions géopolitiques exacerbées par l’eau et enfin l’impact du changement climatique sur cette ressource. Les données qui nourrissent les articles proviennent pour la plupart des deux derniers rapports mondiaux des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau.
Quelques chiffres [1],[2]
• 97,5% de l’eau de la Terre est salée et le dessalement de l’eau n’est pas la solution salvatrice attendue. Alors, notre eau potable est puisée à 62% dans des eaux souterraines et à 38% dans les torrents rivières et lacs. Or, au cours des cents dernières années la planète a perdu la moitié de ses zones humides et les changements climatiques perturbent le cycle de l’eau à chacune de ses étapes.
Les perturbations se traduisent par l’intensification des intempéries allant des sécheresses aux inondations. Par exemple, l’Atlas de l’eau mentionne que près des deux tiers de la population mondiale ont été confrontées à de graves pénuries d’eau pendant au moins un mois au cours de l’année.
• La qualité de l’eau est elle aussi menacée par nos modes de consommation trop gourmands en plastique. L’entrée dans l’océan de 1,15 à 2,41 millions de tonnes de déchets plastiques par les cours d’eau nous force à questionner l’impact de nos sociétés sur nos ressources, sur la qualité de l’eau et à terme sur notre santé à tous.
Depuis 2010, l’eau potable et l’assainissement sont reconnus comme un droit fondamental de par leur caractère essentiel et vital. Les rapports des Nations-Unies rappellent que le droit international relatif aux droits de l’homme oblige les États à tout mettre en œuvre pour un accès universel et inconditionnel à l’eau et l’assainissement. Pourtant, sur les 7,6 milliards que nous sommes, 2,1 milliards d’entre nous n’ont pas accès à une eau potable, propre et disponible en permanence.
Une personne sur trois n’a pas accès à l’eau potable
Trois personnes sur dix n’ont pas accès à des services en eau potable gérés en toute sécurité.
Six personnes sur dix n’ont pas accès à des installations sanitaires gérés en toute sécurité
Une personne sur neuf pratique la défécation à l’air libre
La situation au Laos
Contrairement à la Chine voisine, le Laos, le Cambodge et le Viêtnam ne sont pas catégorisés comme des pays affrontant de graves pénuries d’eau. Le classement mondial du stress hydrique produit par le World Ressources Institute et repris par l’Atlas de l’eau le confirme. Sur 164 pays recensés, le Laos se classe à la 147ème place bien après la Chine (56ème) et la France (59ème) qui se côtoient dans la première moitié du classement.
Source : WRI Aqueduct, 2019. Le stress hydrique (Water Stress) mesure le rapport entre le total des prélèvements d'eau et les réserves renouvelables d'eau de surface et d'eau souterraine disponibles. L'eau non améliorée/pas d'eau potable correspond au pourcentage de la population qui collecte de l'eau potable à partir d'un puits ou d'une source creusée non protégée, ou directement à partir d'une rivière, d'un barrage, d'un lac, d'un étang, d'un ruisseau, d'un canal ou d'un canal d'irrigation.
Pour autant, la région n’est pas épargnée par les dérèglements climatiques. La Mekong River Commission s’inquiète des épisodes de sécheresse qui sévissent sur le bassin inférieur du Mékong ces dernières années. En parallèle, les saisons des moussons, bien que caractéristiques de ces pays, sont de plus en plus intenses sous l’influence du réchauffement climatique. Les conséquences tangibles de ces inondations sont l’endommagement des infrastructures d’adduction d’eau, la destruction des points d’eau et celles des systèmes d’assainissement. Les marées de boues qui peuvent suivre entrainent également des risques de contamination des sources d’eau et de propagation de virus. Depuis 2017, l’Asie du Sud (Inde, Népal, Bangladesh) connaît des saisons des moussons particulièrement intenses et des marées de boue dévastatrices[3].
Source: WRI Aqueduct 2019.
Des progrès d’assainissement sont visibles dans l’Atlas de l’eau avec un taux de décès attribués à l’eau insalubre passant de 8% en 1990 à 3% en 2017[4] au Laos. Malgré ces avancées, les défis structurels n’en demeurent pas moins présents. Si la région n’est pas sous la menace imminente d’un stress hydrique, elle doit relever des défis de développement, étroitement liés aux défis relatifs à l’eau, et tout cela sous la menace de cyclones, d’inondations et de la montée des eaux.
Alicia PIVETEAU
[1] Rapports des Nations-Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, « Ne laissez personne pour compte », 2019. [2] Rapports des Nations-Unies sur la mise en valeur des ressources en eau « L’eau et les changements climatiques », 2020. [3] Août 2017, 40 millions de personnes au Bangladesh, en Inde et au Népal ont été touchées par d’intenses pluies de mousson, faisant près de 1 300 morts et envoyant 1,1 million de personnes dans des camps de secours. Les inondations pourraient coûter à l’Asie du Sud jusqu’à 215 milliards de dollars par an d’ici à 2030 (PNUD, 2018). [4] Moyenne mondiale de 4,5% en 1990 et de 2,2% 2017.
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