Le dernier jour de la mission Mobile Boat Clinic, le Dr Magnez et moi empruntons un sentier à l’arrière du dispensaire de Khokha. À la fin du chemin, un terrain de jeu et des bâtiments délabrés s’offrent à nous. Aucun bruit. Les lieux semblent abandonnés.
Une silhouette enfantine émerge timidement des buissons. Ses yeux s’écarquillent à la vue des ballons que nous avons apportés. Après quelques instants de jeu partagés, elle nous rend le ballon avant de disparaître. Un sentiment de perplexité s’installe en nous. Avons-nous fait quelque chose de mal ? Déçues, nous continuons notre chemin vers le dortoir de l’école.
Le vert éclatant des murs peine à dissimuler la désolation qui émane de cet endroit. Des lits jumeaux en métal, deux tables usées, quelques armoires, deux casseroles et deux bouteilles vides : rien ici ne semble salubre. Voilà ce qu’est le dortoir de Khok Ka.
À notre grande surprise, l’enfant revient, mais cette fois accompagnée de ses camarades. Elle ne s’est pas enfuie ; elle est partie chercher d’autres enfants pour qu’ils puissent se joindre à nous. Leur retour est une invitation à partager un moment ensemble.
Nous profitons du moment pour leur distribuer des produits d’hygiène : dentifrices, brosses à dents, savons, ainsi que des bols. Leur esprit de solidarité nous émeut ; aucun enfant ne se bouscule, chacun nous remercie chaleureusement et veille à mettre de côté les produits restants pour leurs camarades absents.
« Le contraire de la misère, ce n'est pas la richesse. Le contraire de la misère, c'est le partage. Le remède à la misère, c'est le partage dans l'esprit de pauvreté. » - L’Abbé Pierre
Alors que nous sortons du dortoir, un détail attire notre attention : un des enfants porte un pantalon bien trop large. Il doit le maintenir de ses mains pour qu’il ne tombe pas, mais avec une brosse à dents dans une main et le dentifrice dans l’autre, chaque mouvement le met en difficulté. Emma Goulet, volontaire en service civique à l’esprit pragmatique, nous rejoint et lui propose une solution : elle détache son élastique à cheveux et le noue autour de la taille de l’enfant pour ajuster le pantalon. Libéré de cette gêne, il peut enfin se déplacer sans crainte.
Nous sortons à nouveau les ballons pour jouer. Les rires cristallins des enfants résonnent à travers le vaste terrain, remplissant l’espace d’une joie communicative.
Peu à peu, d’autres membres de notre équipe nous rejoignent : les journalistes Morgan et Anatole, le traducteur David, ainsi que le Dr Meunier, gynécologue. Le cercle s’agrandit, les jeux et les rires se succèdent dans une effusion de bonheur partagé. Ce moment unique semble suspendu hors du temps, nourri par l’énergie et l’enthousiasme de chacun.
Puis le moment arrive. Il faut partir. Les enfants repartent avec les ballons, tandis que nous gardons précieusement leurs sourires en mémoire.
Pourtant, un sentiment de frustration m’habite encore : celui de ne pas pouvoir faire davantage. Mais une conviction s’ancre en moi : nous reviendrons. Il le faut.
Écrit par Eva ARDIN volontaire en service civique 2024-2025
Photos prise par Emma GOULET et Eva ARDIN
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